Description
Dans la partie littorale Est de l’île, l’igname restait toujours comme une culture sauvage, et pourtant très prisée en période de soudure où il n’y a plus d’aliment disponible dans les stocks familiaux et les champs. Plante à tubercule et riche en nutriments, l’igname se conserve longtemps sous terre et que plusieurs familles s’en servent comme aliments de substitution lors qu’il n’y a plus de riz.
Julienne, célibataire, mère de deux enfants, s’étonne de sa récolte et est rassurée pour les prochaines saisons de cyclones.
« J’ai voulu tester d’abord cette culture, que nous n’avions pas l’habitude de pratiquer et maintenant je trouve qu’elle est plutôt avantageuse par rapport à d’autres cultures vivrières » exprime-t-elle vaguement ses impressions. La culture de l’igname n’est pas une simple culture vivrière, elle permet aux familles d’avoir de la nourriture pendant les 12 mois de l’année. En effet, inévitablement, sur 6 mois d’une année, trouver de quoi mettre sous la dent est une épreuve toujours difficile pour les familles de classe moyenne et vulnérable dans la partie Est de Madagascar. Pendant cette période là, il n’y a pas de récolte et aucune nourriture dans les foyers. Les familles sont dans l’obligation de réduire soit la ration journalière par personne tout en gardant les 3 principaux repas de la journée, soit de ne manger que 2 fois par jour. La quantité ne suffit pas et la qualité reste un lux. Dans cette zone à haut risque de cyclone, cette situation s’aggrave. Lorsqu’une catastrophe frappe, les ménages perdent presque tous leurs avoirs dans ces cases construits en matériaux locaux constitués de bambous et de feuilles de palmiers.
Cette situation ne peut durer encore et encore, avec l’appui du projet DIPECHO, financé par la Direction Générale de l’aide Humanitaire de la Commission européenne, mis en œuvre par CARE Madagascar, le groupement de femmes et filles marginalisées de la Commune Rurale de Ambodiatafana, du district de Fénérive Est, dans la Région Analanjirofo s’est mobilisé à expérimenter la culture d’un aliment considérée sauvage et faire de l’igname une culture priorisée et maîtrisée. Julienne raconte ses débuts « On cherchait l’igname dans les forêts lorsque nous n’avons plus rien à manger. Mais même maintenant, elle commence à disparaître, si on veut en trouver il faut marcher très loin, si on veut en acheter chez très cher sur le marché. A Ar 3 000 le kilo (plus d’1 Euro) nous ne pouvons pas nous permettre de s’en procurer. Nous nous sommes dit dans l’Association « miara-mizotra » (toutes ensemble), pourquoi ne pas le cultiver alors ? Nous avons donc appris comment le cultiver. Il suffisait au début de trouver les semences et de bien suivre les instructions du technicien depuis la préparation des sets jusqu’au suivi du développement de la plante. Ce n’était pas trop difficile quand même. » Comme Julienne dans son association, elles étaient xxx à avoir aménagé une parcelle de terre pour planter les xx pieds d’igname du groupement et de s’organiser pour le contrôle des jeunes plants. Elles s’organisaient donc à tour de rôle pour ce faire. Très enthousiaste par cette expérience, elle poursuit « ce n’était pas trop difficile même si c’est la première fois qu’on le fait. Le plus dure était de creuser les trous de 60 cm de profondeur (sourire timide) dans lesquels il faut placer les sets d’igname déjà prête à mettre en terre. Mais nous voyons quand même qu’avec une technique améliorée, la plante se développe mieux. Contrairement a manioc et à la patate douce qui est très fragile, l’igname est plus résistant ; surtout avec le système de tuteur amovible qu’on a mis en place on peut les protéger des effets des vents en cas de cyclone ». Elles ont réalisé que l’igname plantée avec la nouvelle technique est plus bénéfique que celle sauvage dans les forêts. D’ailleurs, elles ne se sont pas contentées de la parcelle destinée à l’association mais chacun en a fait un peu de son côté dans la cour de leurs cases. Il y en a qui ont réussit individuellement, certes certaines ont besoin d’un peu plus d’encadrement. Au bout d’un certain moment, les voisins qui ont vu de loin leur exploit leur ont demandé des semences pour qu’ils en cultivent à leur tout également. « Au début, nous avons distribué les semences gratuitement à ceux qui en ont voulaient, maintenant, pour assurer l’approvisionnement continue en semences nous demandons aux intéressés de participer. On n’en vend pas trop chère, mais c’est juste une somme symbolique » insiste Julienne.
La plus grande satisfaction de Julienne et de ses camarades est au moment de la première déterrage « Suivant la pratique de nos ancêtres, on mettait 2 ans à avoir des ignames de 12 kg. Maintenant qu’on a décidé d’en cultiver, en 1 an, on a déjà le même poids et on peut déjà le manger. Même si nous ne disposons pas de rizière et de la récolte de riz, nous pouvons maintenant compter sur l’igname » confirme-t-elle, fière et confiante de ses capacités de production.
Mais le changement n’est pas cela. L’igname prouve tous ses atouts en sa capacité d’être conservé et transformé. Sous le courant de la Réduction des Risques de Catastrophes, la culture de l’igname tend à cette optique de conservation et de transformation pour assurer une sécurité alimentaire aux ménages les plus vulnérables.
«Nous n’allons pas tout consommer d’un coup, nous voulons en mettre de côté pour les périodes où nous allons le plus de mal à trouver de quoi mettre dans la marmite. On nous a appris différentes recettes pour varier la cuisson comme les beignets et les gâteaux. Les techniciens nous ont surtout appris à le conserver. J’ai déjà fait séché de l’igname que j’ai broyé pour le transformer en farine. D’ailleurs si les conditions de stockage sont bien respecté, je peux toujours utiliser cette farine pendant plus d’un an sans que cela ne moisisse » raconte Julienne en exposant ses farines déjà prêtes à être conservé.
Même après le passage d’un cyclone, on peut ainsi espérer que Julienne et ses camarades ont une réserve de nourriture pour leurs familles respectives.
Mieux préparée aux catastrophes, il reste à Julienne de répondre aux autres besoins de sa petite famille. Elle confie « un jour de vacances, j’ai croisé l’institutrice de l’école de ma petite fille qui m’a rappelé qu’il fallait que je me prépare pour la prochaine rentrée scolaire. Pour trouver la somme de Ar xxxx qui sert de droit d’inscription et d’achat de fourniture scolaire j’ai vendu un pied d’igname de 17 kg au marché. Heureusement que j’avais cette alternative là, sinon, j’aurai remué ciel et terre pour trouver cette argent là comme l’année dernière. »
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